Vous le savez, notre vignoble a connu quelques années de vie semi-sauvage. Nos pieds ont mis cette liberté à profit pour laisser faire des mouvements un peu bizarre à leurs charpentes. Celles-ci se sont parfois dédoublées, et comptent parfois des dizaines de coursons ! C’est évidemment pittoresque, voir parfois artistique, mais certainement pas optimal si l’on veut produire du vin !
En effet, une vigne doit être éduquée, afin d’en retirer un bon rendement (en termes de volume) et une bonne concentration de l’énergie, et donc du sucre et des arômes.
Nous avons évidemment commencé la saison 2007 par la traditionnelle taille d’hiver, comme la plupart des vignobles. Celle-ci consiste à raccourcir les sarments qui ont porté des raisins en 2006 à environ 50 cm, afin de dégager la vue pour les tailles suivantes, tout en préservant du gel les yeux d’où partiront les sarments de 2007. Pour cela nous avons été bien aidés par l’entrain de nombreux bénévoles !
Mais le travail ne s’est pas arrêté là ! Nous avons ensuite commencé un travail long et fastidieux de rafraîchissement de la vigne. En quelques mots, vu que notre vigne est taillée selon la taille “royat”, le but est d’avoir pour chaque pied, une charpente (le bois horizontal) la plus lisse et la plus droite possible, avec des coursons qui devront porter les sarments (verticaux) et donc les grappes des années suivantes. Les opérations que nous réalisons sur chaque pied sont donc les suivantes :
1. Nettoyer le pied des vignes, afin d’éliminer tous les coursons qui pourraient y pousser : ils sont inutiles, puisqu’ils prennent de l’énergie mais ne sont pas utilisés pour produire du raisin.
2. Reformer une charpente droite, s’étendant jusqu’au pied suivant, afin de gagner de la place pour en voir pousser deux sarments qui porteront du raisin. C’est en éliminant les morceaux de charpente qui poussent de travers ou qui se sont dédoublés et en pliant à l’horizontale un sarment de l’année 2006 que nous arrivons à rallonger cette charpente. Mais ce n’est pas toujours possible. Certains pieds devront encore attendre un an !
3. Nous tentons également, lorsque c’est possible, de préparer un courson dit “de réserve”, environ à l’endroit où la charpente forme un coude à angle droit par rapport au pied. Ce courson peut éventuellement porter une grappe pendant l’année, mais son utilité est surtout de pouvoir éventuellement reformer une nouvelle charpente, poussant dans l’autre sens, lorsqu’il sera nécessaire de rajeunir le pied.
4. Sur la charpente-même, nous tentons de sélectionner 4 à 6 coursons (en fonction de la taille de la charpente) qui porteront les sarments 2007. Ces coursons doivent être suffisamment espacés (environ 15 cm) pour permettre une bonne aération et un bon ensoleillement de la vigne. Tous les autres coursons sont éliminés à ras de la charpente, afin d’éviter que des sarments n’en poussent au printemps, ce qui nous rendrait la vie impossible, la vigne étant extrêmement vivace ! Nous essayons aussi, quand c’est possible, de ramener notre courson le plus près possible de la charpente, puisque ces coursons s’allongent d’année en année (les sarments se superposent), ce qui rend plus difficile la montée de la sève. Pour que votre information soit complète, sachez que la règle d’or en la matière est : “bois d’un an sur bois de deux ans”, c’est-à-dire que la vigne est la plus productive si le sarment qui porte les raisins est un sarment de l’année qui pousse sur un sarment de l’année précédente. C’est donc dans ce sens là que nous éliminons également les sarments qui ont poussé sur des bouts de courson des années précédentes.
Lorsque ce long travail sera achevé, nous rentrerons normalement dans les schémas classiques de la conduite d’une vigne, avec comme prochain rendez-vous, juste après les dernières gelées, une taille des sarments qui sont maintenant taillés à 50 cm, “à deux yeux”, les yeux étant ces petites boules d’où partiront les nouvelles pousses au printemps.
Charles-Albert